
Puisque les plus heureux ont des douleurs sans nombre
Puisque les nuits sont froides, puisque les cieux sont lourds
Puisque l’homme ici-bas promène son cœur sombre
Parmi les vains regrets et les courtes amours

Que faire de la vie ? Ô notre âme immortelle
Où jeter tes désirs et tes élans secrets ?
Tu voudrais posséder, mais ici tout chancelle
Tu veux aimer toujours, mais la tombe est si près !

Le meilleur est encore en quelque étude austère
De s’enfermer, ainsi qu’en un monde enchanté
Et dans l’art bien aimé de contempler sur terre
Sous un de ses aspects, l’éternelle beauté.

Penseurs, au front serein, vous l’avez su comprendre
Vous qu’entre tous les arts le plus doux captiva
Qui l’entourez de foi, de culte, d’amour tendre
Lorsque la foi, le culte et l’amour, tout s’en va.

Ah ! tandis que pour nous, qui tombons de faiblesse
Et manquons de flambeau dans l’ombre de nos jours
Chaque pas a sa ronce où notre pied se blesse
Dans votre frais sentier marchez, marchez toujours
.

Marchez ! pour que le ciel vous aime et vous sourie
Pour y songer vous-même avec un saint plaisir
Et tromper, le cœur plein de votre idolâtrie
L’éternelle douleur et l’immense désir.
