Quand d’une perte irréparable
On garde au coeur le souvenir,
On est parfois si misérable
Qu’on délibère d’en finir.
La vie extérieure oppresse :
Son mobile et bruyant souci
Fatigue…. et dans cette détresse
On murmure : » que jais – je ici ? «
Libre de fuir tout ce tumulte
Où ma douleur n’a point de part,
Où le train du monde l’insulte,
Pourquoi retarder mon départ ?
Pourquoi cette illogique attente ?
Les moyens sont prompts et divers,
Pour l’homme que le néant tente,
D’écarter du pied l’univers !
Mais l’habitude, lâche et forte,
Demande grâce au désespoir.
On se condamne et l’on supporte
Un jour de plus sans le vouloir.
Une larme veut qu’on demeure
Au moins le temps de l’essuyer,
Tout ce qui rit, tout ce qui pleure
Fait retourner le sablier
Ainsi l’agonie a des trêves :
On ressaisit, on moindre appel,
Le fil ténu des heures brèves
Au seuil du mystère éternel.
On accorde a cette agonie
Que la main n’abrège jamais
Une lenteur indéfinie
Où les adieux sont des délais
Et sans se résigner à vivre,
Ni sans aller avant son tour,
On laisse les moments se suivre,
Et le coeur battre au jour le jour.