
La tranquille habitude aux mains silencieuses
Panse, de jour en jour, nos plus grandes blessures
Elle met sur nos coeurs ses bandelettes sûres
Et leur verse sans fin ses huiles oublieuses

Les plus nobles chagrins qui voudraient se défendre
Désireux de durer pour l’amour qu’ils contiennent
Sentent le besoin cher et dont ils s’entretiennent
Devenir, malgré eux, moins farouche et plus tendre.

Et, chaque jour les mains endormeuses et douces
Les insensibles mains de la lente habitude
Resserrent un peu plus l’étrange quiètude
Où le mal assoupi se soumet et s’émousse.

Et du même toucher dont elle endort la peine
Du même frôlement délicat qui repasse
Toujours, elle délustre, elle éteint, elle efface
Comme un reflet, dans un miroir, sous une haleine.

Les gestes, le sourire et le visage même
Dont la présence était divine et meurtrière
Ils pâlissent couverts d’une fine poussière
La source des regrets devient voilée et blême.

A chaque heure apaisant la souffrance amolie
Ôtant de leur éclat aux voluptés perdues
Elle rapproche ainsi de ses mains assidues
Le passé du présent, et les réconcilie.

La douleur s’amoindrit pour de moindres délices
Se sentent lentement changés en cicatrices
La blessure adoucie et calme se referme
Et tout redevient ferme

Et celui qui chérit sa sombre inquiètude
Qui verserait des pleurs sur sa douleur dissoute
Plus que tous, les tourments et les cris vous redoute
Arrive silencieuses mains de la lente habitude.
